8 au 13 Octobre 2019
Population: 3.3 millions d'habitants
850km de Chengdu, 2571km de Beijing
À la base, Salah avait choisi Kunming pour explorer le Yunnan, une région montagneuse pas loin du Tibet, avec des rizières en terrasses. Au risque de me répéter, nous avions réservé toutes les destinations – surtout l’hébergement – pour faire les demandes de visas. Même si nous voulions des visas électroniques (qui ne nécessitent pas cette étape), Salah avait quand même fait toutes les réservations. Il avait bien raison car, quand nous avons dû partir en catastrophe à Paris et nous rabattre sur des visas traditionnels, nous avions tous les documents nécessaires.
J’avais entendu parler de Kunming 2 fois dans ma vie:
1. La ville est en haute altitude
Clin d’œil à mon 1er poste chez Airbus, au support A320 – c’est là que j’ai entendu parler de l’aéroport de Kunming. Les moteurs avaient du mal à fournir la poussée nécessaire et atteignaient leur limite N1… à cause de l’altitude.
Bulle de géographie: Kunming est sur le haut plateau du Yunnan-Guizhou, 1,900m au-dessus du niveau de la mer, et entourée de montagnes qui ne semblent pas si hautes (on en a monté une d’ailleurs) mais font entre 2500 et 3000m d’altitude.
2. Mon grand-père a marché 1100km pour se rejoindre Kunming pendant la 2nde guerre mondiale.
Mon grand-oncle, son frère, m’a récemment rafraîchi la mémoire sur les événements, étant donné que nous y allions. Mon grand-père, son frère et ses 2 sœurs sont nés et ont grandi à Saigon en Indochine. Le 9 mars 1945, les Japonais, en désespoir de cause, ont fait un coup d’état en Indochine qu’ils occupaient depuis 1941, mais qui restait sous commandement français. Ils ont arrêté la plupart des leaders civils et militaires français, faisant 8500 prisonniers et 1000 morts. Mon grand-père, étant mobilisé, a fui le pays avec sa troupe ce jour-là, au risque d’être exécutés aussi. Plusieurs troupes ont suivi et le mouvement a été nommé la colonne d’Alessandri (du Général qui a organisé la retraite). Ces gars sont partis sans préavis et ont marché 1100km dans la jungle, poursuivis pars les Japonais, à travers la Birmanie et vers la Chine, en terminant à Kunming. Je n’ai pas connu mon grand-père, le père de mon père, emporté par un cancer des poumons avant ma naissance mais j’ai entendu plein d’histoires magnifiques sur lui.
Par conséquent, passer par Kunming prenait une autre dimension en créant un lien avec mon ancêtre. Le ciel de nuit sous lequel je dormais, il l’avait vu aussi, épuisé par cette épreuve, doublée du manque de vivres et de sommeil qui a bouleversé des vies. Combien de ses camarades avait-il vu mourir de faim, de maladies ou d’épuisement? Kunming était la lumière au bout du tunnel pour ces âmes – ou un passage (de là, mon grand-père s’est enrôlé pour suivre une formation à Trincomalee, Sri Lanka, en préparation d’un débarquement en Indochine à l’automne 1945). Nous savons tous que le Japon s’est rendu en Août 1945 et mon grand-père a ainsi pu rentrer dans sa famille en Indochine (qui, entre temps, a été proclamée indépendante par Ho Chi Minh en Septembre mais c’est une autre histoire). Tout cela pour dire que la visite de Kunming était très importante pour moi (et je soulignais l'importance à moultes reprises aux filles). Quelle chance de visiter la ville sous des auspices pacifiques, 74 ans plus tard. Pour info, je parlerai un peu plus de mon histoire familiale en Indochine lors de notre passage au Vietnam.
Maintenant, revenons au voyage…
Le jour avant notre départ de Chengdu, le 7 octobre, nous nous sommes rendus à la gare pour retirer les billets (nous avions, pour x raison, oublié de les prendre à notre arrivée) et c’était blindé. Le 8 octobre marquant la fin de la semaine de congé national, tous les vacanciers devaient retourner chez eux faisant du 7 octobre une journée noire côté voyage. Et nous étions en plein dedans autant dans le métro qu’à la gare. Heureusement, on a pu retirer nos billets rapidement. Mais le trajet en métro fut pénible, même quand nous pensions que le wagon était plein, des personnes continuaient de rentrer en jouant des coudes. Et en descendant du métro, chaque cm2 du quai était rempli de monde et leurs bagages.
Le jour d’après, le 8 donc, était beaucoup plus calme, moins de voyageurs dans le métro et à la gare mais un train plein tout de même. Le trajet vers la gare ne fut pourtant pas sans encombre. Le départ était à 9h49 et nous aimons avoir 1h d’avance pour se donner de la marge. Heureusement ! Quand nous avons passé la sécurité dans le métro, ils ont remarqué le couteau suisse dans notre sac à dos et voulait qu’on le sorte. Ils ont appelé des renforts, même la police. Nous ne savions pas ce qui se disait en mots mais comprenions la situation et sentions que le couteau ne nous reviendrait pas. Salah essayait de négocier mais Naema a commencé à pleurer en sentant la tension monter. Bien que perdre un souvenir de Suisse ne nous enchantait pas, il valait mieux lâcher l’affaire. Ce sera moins d’embrouilles. Pendant tous ces échanges, nous étions filmés par la police avec une caméra portable. Après ça, tout s’est bien passé, notre trajet en métro étant de 45 minutes.
Nous avons repassé la sécurité à la gare (et sans problème), nous avons acheté à manger pour le midi. Ensuite nous sommes montés dans le train, difficilement car les chinois adorent couper les files et sont sans pitié pour les enfants et leurs parents chargés de sacs à dos de 15kg chacun !
À Chengdu, nous avons laissé des affaires dont nous ne nous servions plus pour alléger les sacs, notamment 3 livres, des vêtements, un répertoire. Nous espérons qu’ils serviront à d’autres.
Nous avons pris un train G (le plus rapide) de Chengdu, qui a pris 6h pour faire 850km. Le train a fait entre 8 et 10 arrêts, baissant sa vitesse moyenne, mais malgré cela, il faisait des pointes à près de 300km/h.
Le voyage s’est très bien passé : Naema a fait ses devoirs et lu son livre en français, Lana a fait des activités et la sieste.
Sur la route
Kunming est (encore) une station immense. Apparemment les chinois ont un modèle standardisé de gares et stations de métro car d’une ville à l’autre, on retrouve le même design.
À noter : le métro de Xi’an a été créé en 2011 et à Kunming en 2012. Ils ont respectivement 5 et 4 lignes. C’est assez hallucinant la rapidité d’exécution de projets d’infrastructure de grande envergure en Chine et l’expansion continue!
Notre hôte à Kunming nous avait recommandé de prendre un taxi pour se rendre à notre appart car c’était juste 20 yuans et ce serait beaucoup plus rapide que le métro (1h). Nous avons suivi le conseil sauf que le tarif annoncé était en venant d’une autre station beaucoup plus proche. On s’en est donc sortis pour 100 yuan à cause de la distance et du trafic des heures de pointe.
Note pour plus tard : ne pas juste se fier aux conseils, mais prendre des décisions réfléchies basées sur des faits !
En arrivant à l’appart on était béats car c’était immense, au 18è étage, chaque fille pouvait avoir sa propre chambre et nous avions une machine à laver. On était contents d’avoir un rideau fermant la douche pour ne pas tremper toute la sdb, ce qui n’était le cas nulle part ailleurs pendant notre séjour en Chine.
Nous avons été découvrir notre quartier, faire quelques courses et sur le chemin : une boulangerie. Le propriétaire chinois a bourlingué en Europe et appris à faire du pain. Il fait son pain avec de la farine et de l’eau françaises. On se devait d’essayer ! Ce qu’on fit le lendemain matin en le grillant. C’était un régal !
Super notre grand appart!
Avant d’arriver à Kunming, nous avions réfléchi pour aller à Lijiang qui nous avait été chaudement recommandée par mon collègue Amid, de Pratt. Malheureusement tous les trains étaient pleins. Donc on a décidé de se concentrer sur Kunming et sa région. Lijiang et le reste du Yunnan sont désormais inscrits sur notre liste de futurs voyages. Et oui, on a tendance à penser qu’en 1 an on peut tout faire. Eh bien non ! La vie est longue et mieux vaut étaler les découvertes dans le temps !
En tout cas, il y a plein de choses à faire à Kunming ! On la surnomme « la ville au printemps éternel » car les fleurs éclosent à l’année longue et le climat y est doux. Pendant notre séjour, les températures étaient fort agréables la journée (un poil plus frais que nos autres destinations) – on portait juste un tee-shirt, par contre, en soirée, on supportait bien une petite veste.
Green Lake park
Nous avons visité ce parc, dans le centre de la ville. Il était intéressant d’y voir des fontaines d’eau potable, chose rare étant donné que l’eau n’est pas de bonne qualité ici, ce qui nous force à acheter des bouteilles depuis le début du séjour. Est-ce lié au "musée de l’eau du robinet" présent à Kunming ? Curieux en tout cas mais nous n’avons pas eu le temps d’investiguer !
Le parc est bourré de gens du quartier, de tous âges, venus pour danser, chanter. On a même vu un violoniste et des magasins de souvenirs. C’était très animé.
Green Lake park (en haut à droite: il y a des caméras de surveillance partout en Chine)
Nous avons continué notre balade vers une librairie qui a des livres en anglais (pour trouver la suite de Narnia pour Naema). Le coin est particulièrement cosmopolite – nous avons vu beaucoup d’expatriés, d’étudiants étrangers et de restaurants européens, dont le Café Français.
À la librairie, nous n’avons pas trouvé Narnia mais des petits livres de fables tibétaines et chinoises, traduites en français pour Lana (un beau petit souvenir pour sa bibliothèque). Salah avait remarqué un magasin de musique où il est allé voir les guitares et n’a pas résisté d’en essayer une. Il était super content, je pense que ses instruments (arrivés à bon port avec notre container) commencent à lui manquer.
Prochain arrêt : verre de vin pour apéro au Café Français (1è fois en Chine vu le prix des bouteilles et que le vin se vende très peu au verre). Re-guitare pour Salah car il y en avait une en libre-service là-bas du coup on avait un concert privé, c’était top !
Évidemment, nous sommes repartis avec des baguettes pour le lendemain. Elle est trop top cette ville ! Nous avons dîné dans un resto vegan tout proche, tenu par une Malaisienne et son équipe. On a dégusté des frites et sushis avec de la mayo maison… un délice !
Baguette, beurre et confiture ... parfait ptit déj 😉
Monts de l’ouest
Le jour suivant, nous avons été aux très populaires Monts de l’ouest (ou Westmount pour nos amis montréalais 😉). Les habitants de Kunming y vont le week-end pour prendre l’air du coup c’est souvent plein. Nous y sommes donc allés le vendredi pour éviter les foules. On avait lu dans le guide de 2018 qu’un jour, le métro se rendrait jusque là-bas et en 2019, la station existe déjà. Encore une fois, la prise de décisions semble rapide ici ainsi que l’exécution. C’est différent de Montréal ! ☺️
Les montagnes sont à 14km de chez nous, au bout de la ligne 2 de métro. Quand nous sommes arrivés, nous avons été sollicités pour monter en mini-van au sommet mais nous voulions marcher. Nous avons ensuite travers une rue pleine de restaurants, boulangeries etc… et, bien que nous ayons pris un pique-nique, nous avons acheté 2 pains fourrés : un aux oignons et l’autre aux pétales de roses (une spécialité de la région, délicieuse). Les chinois adorent manger à toute heure et partout, c’est impossible de mourir de faim. Il y a toujours un petit stand de bouffe pas loin (sauf à Guangzhou, voir prochain post).
Monts de l'ouest
Puis, nous avons attaqué la montée, assez inintéressante car sur la route partagée avec voitures et bus fréquents qui emmènent les touristes au sommet.
Prêtes pour une rando!
En cours de montée, nous avons essuyé un orage et pris refuge au monastère Tai Hua, construit il y a plus de 700 ans. Nous pouvions relaxer en humant l’encens et écoutant les incantations des prières en cours.
Bulle d’Histoire: Au 19è siècle, une révolte musulmane a causé beaucoup de dommages dans la ville et notamment causé la destruction de multitudes de temples bouddhistes. Peut-être cela explique la concentration de temples sur la montagne, moins accessible. On en a croisé 3 ou 4.
Monastère Tai Hua
Après la pluie, nous avons enfin trouvé un chemin de rando et grimpé pendant 30 minutes en ne montant quasiment que des marches. Puis nous avons atteint un autre endroit touristique avec restaurants et magasins de souvenirs. Naema et Lana avaient marché non-stop, sans même se plaindre.
Là-haut, nous avons acheté des billets pour la porte du Dragon, incluant télésiège et navette nous ramenant au point de départ. Le trajet en télésiège de 20 minutes nous a permis d’apprécier les vues plongeantes sur le lac Dianchi et Kunming pendant qu’on se faisait emmener au sommet d’en face pour commencer la redescente.
Dans le télésiège
On suivait religieusement les panneaux pour ne pas se perdre car personne n’aurait pu nous ré-acheminer, on ne croisait personne. Nous ne descendions que des marches creusées dans la montagne, inégales et glissantes mais c’était génial ! On est même passé par des tunnels et des escaliers sous-terrain. Finalement nous avons trouvé la porte du Dragon, un édifice taillé dans le roc et une grotte où figure un bouddha. Nous avons suivi le chemin escarpé, à flanc de montagne, toujours en descendant les marches en pierre avec des croisillons anti-dérapage gravés, la zone étant bien humide.
Après 30 minutes de descente, on est enfin arrivés à la navette qui nous a ramenés à la billetterie. On avait déjà marché 10 km et les 2 filles avaient tout marché. Elles ont assuré. Nous-même, les grands, étions cassés et étant donné que la redescente était de 5km sur route, on a décidé de prendre le bus jusqu’à la station de métro.
Vues sur le lac et la porte du Dragon
Une fois revenus en ville, nous voulions voir un des marchés de nuit mais impossible de le trouver. Après 30 minutes à tourner en rond, nous avons pris un taxi (notre technique a nettement amélioré depuis Xi’an ☺️) et sommes retournés dans le coin du Café Français. On a fini à Salvador’s, un autre café international. Nous avons mangé des falafels et quesadillas. Encore une fois, ça fait du bien de se sentir connectés au monde extérieur que ce soit par la nourriture ou les langues. D’ailleurs, nous avons rencontré un couple de retraités québécois là-bas. Ils venaient de quitter leur fils qui enseigne l’anglais en Chine et allaient se promener en Asie du Sud-Est jusqu’à la mi-novembre. Que c’était agréable d’entendre l’accent !
Après cette longue journée, Naema a marché 16.6km et Lana environ 14km. Les filles ont reçu un certificat pour saluer leur superbe performance !
Pagodes Est et Ouest
Le jour suivant, notre dernier à Kunming, nous pensions lever le pied sur la marche et aller aux pagodes en métro. Mais les stations sont assez éloignées les unes des autres et le bilan de la journée s’est élevé à 10km tout de même.
En y allant, nous avons cherché un restaurant qui, finalement avait déménagé, mais pas mis à jour dans maps.me ou google maps (qui ne marche pas en Chine et explique pourquoi ce n’est pas à jour). Par conséquent, nous mourions de faim, même chose que la veille au soir avec le marché de nuit.
Rue entre les pagodes Est et Ouest
On a trouvé la pagode Est mais avons cherché un resto d’abord. Nous sommes tombés sur une perle sur la rue qui joint les 2 pagodes. On a pu essayer les nouilles « qui traversent le pont », un plat typique du coin, qui consiste en un bouillon très chaud dans lesquels sont plongés des ingrédients : viande, œufs, légumes, pétales de fleurs et nouilles de riz.
La chaleur de la soupe cuit tout et la soupe infuse du mélange de saveurs. C’était délicieux. Nous avons aussi essayé le tofu, apprêté et cuit devant le restaurant. Il avait un goût fort en je-ne-sais-quoi qui ne faisait pas l’unanimité. On a également essayé un dessert typique, des perles gluantes saupoudrées d’une poudre brune sucrée (très bon).
L’estomac plein, on était plus dispos pour visiter.
Bulle d’Histoire : les pagodes ont été construites entre 824 et 859 dans la dynastie des Tang. La pagode East fut détruite par un tremblement de terre (certains disent qu’elle fut détruite par la révolte musulmane au milieu du 19è siècle).
Globalement, nous avons beaucoup apprécié notre séjour à Kunming et l’ouverture sur d’autres cultures. Ça faisait du bien après 3 semaines en Chine. Malgré les grands immeubles résidentiels semés partout dans la ville, les avenues sont larges et nous ne nous sommes pas sentis étouffés. On a remarqué qu’il y a peu d’espaces verts dans les quartiers des grandes villes chinoises (contrairement à l’Amérique du Nord). Proche de chez nous, il y a également une rivière qui passe et qui se transforme en espace de vie le soir avec classes de danse, de tai-chi, des chansons et de la musique.
Les filles ont adoré avoir un parc de jeux en bas de la maison. C’était le 1er qu’on croisait de notre séjour, pourtant on avait croisé beaucoup de parcs d’exercices pour adultes dans toutes les villes visitées.
Au final, nous avons trouvé le livre de Narnia pour Naema dans une autre librairie en centre-ville, écrit en chinois et anglais. Elle avait bien hâte de l’entamer dès qu’elle aurait fini son livre en français.
Salah et moi avons vécu une expérience sonore unique : en rentrant par hasard dans un magasin de musique, nous avons remarqué une installation de sono très intéressante. La vendeuse a mis un disque d’une chanteuse belge pour nous faire essayer le son. On a eu droit à la reprise du « plat pays » de Brel en quasi-live tellement le rendu était cristallin et magnifique. On pensait avoir l’orchestre en face de nous, c’était à pleurer tellement c’était beau.
Installation sono avec amplis à lampes, le son qui en sort est juste magique
Bien que nous ayons marché 50km en 5 jours, nous avons aussi eu du temps à la maison car on avait la place. On a pu faire des lessives, mais aussi cuisiner, étudier et danser sur la musique du Roi Lion.
La vie est belle à Kunming!
Coralie
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